Et si l'œuvre de Carl ORFF exprimait de manière emblématique toute la force, le flamboiement et les contrastes violents du XXème siècle?D'emblée les CARMINA BURANA frappent l'imaginaire de l'auditeur en lui offrant une fresque animée aux tons vifs et à la grandeur sauvage : le siècle passé est celui du rythme libéré, des harmonies parfois crues et d'une parole mélodique souvent directe et que n'altère aucun ornement superflu.
LE SACRE DU PRINTEMPS de I.STRAVINSKI, le WAR REQUIEM de B.BRITTEN ou bien d'autres pages stimuleront l'appétit féroce du public pour ces visions panoramiques et polyphoniques dans lesquelles un déferlement d'images et de sonorités rutilantes constituera le propos d'une dramaturgie spectaculaire.
Car c'est bien de spectacle dont il s'agit. Un monde né d'un rêve gothique et médiéval, aux couleurs de feu, d'or et de sang.Un théâtre de voix où la Fortune et le cynisme joutent à travers des personnages sortis d'un rêve ou d'un cauchemar: moine bourru, chants d'amour courtois et jusqu'au triste récit que nous offre un cygne rôti de sa misérable existence... Onirisme et visions sublimes.
Les CARMINA BURANA forment un chant unique et mythique dans les voies qu'emprunte la musique vocale au XXème siècle. Par son éloquence et son extraordinaire puissance, le lyrisme de sa poésie, les formes de son humour, y compris les plus sarcastiques, et ses reliefs permettant à tous, chœurs, voix solistes et instruments, de moduler l'angle de vision à la manière d'un cinéaste élargissant ou resserrant ses plans, l'œuvre de Carl ORFF nous offre un véritable voyage, polychrome et animé, à la manière des plus belles enluminures gothiques ou des plus beaux vitraux d'une cathédrale.
Philippe Forget